Question/Réponse

Question/Réponse dans « les avis des experts » de Geneanet

J’ai dans ma généalogie familiale deux mariages pour le même couple, à un an d’intervalle, dans deux communes voisines mais de part et d’autre de la frontière (belge). Les époux sont mariés “devant l’église” de Meaurain (Belgique) le 20 mai 1793, acte signé par “pastor in Flamengrie”. Le double mariage est-il normal et fréquent à cette époque?

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Oui, le double mariage des protestants était fréquent en France sous l’Ancien régime. Pour la religion protestante, un mariage catholique n’était pas viable religieusement. Inversement, vis à vis de la loi française, un mariage protestant n’était pas légitime ; une des conséquences était que les enfants étaient considérés comme bâtards et donc n’avaient pas le droit à l’héritage.

C’est pourquoi les protestants faisaient un double mariage : devant le pasteur pour leur foi et devant le curé pour leurs droits.

De plus, l’époque des deux mariages de vos ancêtres (1792-1793) est située à la charnière d’un immense bouleversement social et politique en France : avant le 20 septembre 1792, la société d’Ancien régime est catholique : légalement il n’y a pas la distinction actuelle entre le civil et le religieux, par exemple, entre l’acte religieux du sacrement de baptême et l’acte civil de naissance. Avant le 20 septembre 1792, on parle de sujets du roi, tous catholiques, sous peine d’être brulé au bûcher ; après cette date on parle de citoyens. Nous sommes dans une période de révolution et de guerre. C’est la victoire de Valmy, le 20 septembre 1792, qui donne le pouvoir aux révolutionnaires de déclarer officiellement que la nation française devient civile et non plus religieuse. D’où la création de l’état civil le 21 septembre 1792, donnant dorénavant la légitimé à tout mariage, sans connotation religieuse.

En 1787, un premier édit de tolérance accordait aux protestants un état “civil” (non religieux), généralisé en 1791 aux juifs et aux non-catholiques (athés, …). A partir du 21 septembre 1792, ceci n’est plus une tolérance, mais général et officiel. En 1801, lors du Concordat entre la France et le pape, Napoléon impose la priorité du mariage civil avant le mariage religieux ; de nos jours encore, seul le mariage civil entraîne des droits juridiques et il est passé à la mairie avant la bénédiction nuptiale à l’église.

Pour la Sygene,
Chantal COSNAY

généalogiste à Aix en Provence (13)