D’abord connaissez-vous la différence entre le marronnier et le chrysanthème ?
Réponse : il n’y en a pas !
Pour comprendre ; un peu d’Histoire ;
Les premiers chrysanthèmes ou fleur d’or (chrysos = jaune et anthos = fleur) sont originaires d’Asie et cultivés depuis plus de 2000 ans…
En Chine, ce chrysanthème originel, aux fleurs jaunes est le symbole de joie, gaieté, éternité et fut travaillé à la manière des bonzais. Depuis que le poète Tao Yuan Ming (372-427) préféra sa culture aux honneurs, le chrysanthème symbolise le renoncement au monde matériel au profit d’une vie plus simple et plus profonde.
La plante est introduite en l’an 836 au Japon où il devient l’emblème de la famille impériale. Il se dit que la fleur est si belle qu’elle apporte la paix et renforce l’âme, qu’il suffit de la contempler pour être heureux et donc vivre plus longtemps ! Un ordre du chrysanthème a été créé pour les distinctions de très haut rang.
C’est vers 1770 que le chrysanthème fut introduit en France mais boudé par les jardiniers et les horticulteurs.
Le 10 aout 1792, une foule en colère envahit le château des Tuileries où se trouve Louis XVI. Des gardes suisses protégeant la famille royale furent tués et enterrés rapidement sous un marronnier du jardin.
Plus tard, lorsque les vétérans de la grande armée de Napoléon décideront, une fois par an, de rendre hommage aux gardes suisses, ce sera naturellement au pied de l’arbre. A la date du 20 mars, chaque année, les journalistes présents auront un article prêt à écrire : le marronnier des Tuileries (d’où le nom de « marronnier » employé, depuis, par les journalistes pour articles ou reportage d’information de faible importance en une période creuse). Et pour chaque 1er novembre, il est impossible de ne pas parler de la plante symbole de la Toussaint ; le chrysanthème est donc un marronnier !
Au lendemain de la guerre de 14/18, le Président de la République Raymond Poincaré, ordonne de fleurir tous les monuments érigés à la mémoire des soldats tués sur le front ; il faut trouver une plante capable d’être cultivée en pot, assez volumineuse, au maximum de sa floraison et résistante au gel : aucune, excepté le chrysanthème. Surnommé « la fleur des tombes », le chrysanthème endossa une triste réputation, et c’est injuste !
Pourquoi enfermer, ranger le vivant dans des cages ou des cases ?
Cette fleur superbe mérite bien un hommage de quelques lignes.
En France il apparait dans les vitrines des fleuristes au XIX siècle. A la suite d’un très important travail d’hybridation des Européens, plus de 9 000 cultivars de chrysanthèmes étaient déjà répertoriés en 1896. Aujourd’hui, on en connaît plus de 20 000 ! Au moment de la Toussaint, 26 millions de pots de chrysanthèmes sont mis sur le marché. Les fleurs sont produites, dans l’ordre, par la région parisienne, la Provence, le Nord, etc…
Aujourd’hui, il est, bien avant la rose, la fleur coupée la plus vendue au monde. Son commerce tient dans la vie économique de notre pays une place estimable.
C’est au VIIème siècle que d’autres couleurs furent créées. Aujourd’hui, les chrysanthèmes mis en valeur par les fleuristes existent dans une infinie variété de formes et de couleurs somptueuses, magnifient les parcs et ensoleillent les jardins dans la douceur automnale.
Et pour les poètes et amoureux de tous âges ; dans le langage des fleurs, un bouquet de chrysanthème rouge signifie un amour absolu.
Marcel Proust, amoureux célèbre, écrivain brillant, apprécie les jardins poétiques de ses amis, les chrysanthèmes étaient une de ses fleurs préférées : « Ils avaient le grand mérite de ne pas ressembler à des fleurs mais d’être en soie, en satin. » Dans son roman de 7 tomes « A la recherche du temps perdu », on peut dénombrer jusqu’à six cent noms de fleurs.
« Ces chrysanthèmes m’invitaient, malgré ma tristesse, à goûter avidement pendant cette heure du thé les plaisirs si courts de novembre dont ils faisaient flamboyer la splendeur intime et mystérieuse. »
Le chrysanthème entra en politique sous la IVème République, pendant laquelle « le président disposait de pouvoirs surtout honorifiques, sans toutefois disposer d’un pouvoir réel pour modifier le cours des choses. (…) alors que Pierre Mendès France mettait fin à notre guerre d’Indochine ou donnait l’indépendance à la Tunisie, l’excellent René Coty baisait la main de la reine d’Angleterre ou accueillait dans son palais les forts des Halles et les catherinettes. »
Le général de Gaulle utilisera l’expression « inaugurer les chrysanthèmes » lors d’une de ses conférences de presse, à l’Elysée, dans l’une de ses fameuses « petites phrases » : « Qui a jamais cru que le général de Gaulle étant appelé à la barre devrait se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes ? »
Donc, même sous forme de boutade, le chrysanthème rentrait dans l’Histoire en ce 09 septembre 1965 et c’est justice car sa beauté est somptueuse !
Ce serait un comble pour une fleur qui exprime le souvenir d’ignorer son histoire et sa place importante dans l’Histoire !
En conclusion, savourons ce délicieux haiku de la poétesse japonaise Hisajo SUGITA (1890-1946).
Les pétales de chrysanthème
Se cambrent dans leur blancheur
Au-dessous de la lune
Se cambrent dans leur blancheur
B.Thumerelle
Sources : Sites internet et France Inter (Alain Baraton, jardinier de Versailles)
Photos : B.Thumerelle