HYNOVERA : RECUL TACTIQUE ?..

Suite à la consultation publique tenue au dernier trimestre 2022 et au rapport de la Commission nationale du débat public sur cette consultation, rendu à la fin du premier trimestre 2023, les promoteurs du projet Hynovera ont annoncé qu’ils le modifiaient.

Effectivement, il leur était difficile de passer outre le rejet massif du projet par les populations et les municipalités impactées.

Rappelons qu’il s’agissait de créer sur le site de la centrale thermique de Gardanne une usine produisant de l’hydrogène, de l’oxygène, du méthanol, du diesel et du kérosène, classée Seveso en raison de sa taille et de la dangerosité de ses productions.

Peu d’indications ont été données sur les modifications, qui sont en cours d’étude :

  • L’usine ne produirait plus que du kérosène de synthèse pour l’aviation : plus de méthanol ni de diésel. De ce fait elle ne serait plus classée Seveso.
  • ll y aurait toujours production d’oxygène et d’hydrogène par électrolyse de l’eau.
  • L’unité d’électrolyse serait couplée à une unité de distillation de de biomasse fermentée et/ou de captage de CO2 (gaz carbonique)
  • L’utilisation de l’eau qui a ennoyé les anciennes mines de charbon serait à l’étude, ce qui permettrait de ne pas faire appel à l’eau fournie par le canal de Provence, ressource en tension.
  • La dimension du projet serait divisée par deux et le coût du projet passerait ainsi de 460 à 250 millions d’euros.

Par rapport à l’ancien projet, on note deux éléments favorables :

  • La réduction de la taille implique une réduction des risques et des nuisances.
  • L’abandon de l’utilisation de plaquettes forestières préserverait la filière bois de la Provence.

En revanche, les éléments négatifs sont encore nombreux et s’ajoutent à plusieurs réserves importantes :

  • Alors que le projet est encore à peine esquissé, avec un processus industriel encore à l’étude, son coût est déjà affiché. Comme par hasard, il atteint tout juste le seuil à partir duquel un débat public est obligatoire. Et les porteurs du projet considèrent que puisque celui-ci est modifié, un simple complément d’information suffira. Autrement dit, pour s’exprimer les riverains devront se contenter d’une enquête publique lorsque le projet sera ficelé. Habile précaution des promoteurs vu l’hostilité manifestée lors du débat public sur le projet Hynovera. Or, les modifications annoncées par les promoteurs sont si importantes qu’on est en droit de considérer qu’il s’agit en fait d’un nouveau projet et non d’un « Hynovera bis »…
  • S’il y aurait réduction des risques compte tenu de la réduction de la taille du projet, il y aurait aussi réduction du niveau des mesures de sécurité puisque l’usine ne serait plus classée Seveso. Or, même en plus petites quantités l’oxygène et l’hydrogène sont des produits dangereux, tout comme le kérosène.
  • Le recours à la distillation de biomasse fermentée entraînerait une nouvelle nuisance : les odeurs propres aux fermentations. On se souvient que durant la prohibition de l’alcool aux USA ce sont ces odeurs qui permettaient à la police de débusquer les distilleries clandestines, même les plus isolées. Bien sûr, le projet ne manquera pas de garantir que ces odeurs seront annihilées par des filtres ad hoc. L’expérience récente de l’usine Lafarge ne peut qu’inciter à la plus grande réserve dans ce domaine…
  • Lors du débat public sur Hynovera, l’argument-massue opposé à une localisation à Fos-sur-Mer a été l’impossibilité d’y acheminer l’électricité nécessaire. Or, le nouveau projet affiche une consommation électrique 10 fois moins importante ce qui paraît de nature à ruiner cette objection…
  • Lors de la présentation du projet finalisé les promoteurs devront préciser la nature et les tonnages des approvisionnements, par catégorie. Car les indications fournies jusqu’à présent sont en effet très vagues : il est question de biomasse non alimentaire, de résidus d’exploitation forestière (produits connexes de bois d’œuvre par exemple), de noyaux d’olives, de ceps de vigne… Il importera de vérifier si les ressources disponibles seront compatibles avec les besoins du projet, en tenant compte des besoins affichés par la centrale thermique à biomasse, afin d’être certain qu’il n’y aura pas d’impact négatif sur la filière bois en Provence.
  • La mention, comme ressource, des produits connexes de bois d’œuvre établit implicitement un lien direct avec le projet de scierie géante sur le même site, porté par la SOFEB, dont on connaît par avance l’impact désastreux sur l’environnement en matière de trafic de camions, de bruit et de poussières.
  • Au nom des synergies possibles, la réalisation du projet « HYNOVERA bis » ne pourrait que conforter la vocation donnée par les pouvoirs publics au périmètre de la centrale thermique, celle d’un vaste pôle de valorisation des déchets… au sein d’un territoire très urbanisé.  Alors que, très légitimement, les riverains se prononcent pour un pôle dédié aux loisirs, à la culture et à la recherche-développement. De plus une fois dans la place rien n’empêchera l’usine de grandir par extensions successives, toujours avec le soutien des pouvoirs publics.

Affaire à suivre donc, avec un rendez-vous théoriquement en fin d’année pour la présentation d’un projet finalisé.

JP Roubaud 22/05/2023